À la recherche d’une entrée vers le labyrinthe de l'Imaginaire, le vidéaste creuse dans l’esthétique du fantastique et de l’étrange, en liant à chaque fois une multitude de références tirées de la pop culture, de l’underground et de l’art classique. SF, horreur, fantasy, post-apo, psychédélisme, surréalisme, romantisme noir… Sa présence à l’Université Rennes 2, dans le cadre du Mois de l’Imaginaire, sera l’occasion de parcourir de célèbres univers de fiction afin de trouver ceux que nous n'avons pas encore imaginés, les terra incognita de l'imagination. Une soirée proposée en partenariat avec la librairie Critic.
Nous vous invitons à accompagner la lecture de cette interview de l'écoute de l'album Leviathan.

Tel un archéologue d’univers fictifs, vous explorez les mondes de l’étrange en quête d’histoires cachées, de symboliques, de références à partager. Vous sondez le fantastique et l’étrange pour donner envie de plonger avec vous. Pourquoi cette attirance ?
ALT236. C'est difficile de mettre précisément le doigt dessus mais à force d'avoir interrogé mon amour pour ces univers, je dirais que ça vient du fait que malgré une éducation religieuse, je n'ai jamais réussi à croire en Dieu. Et c'est parfois dur de vivre sans la perspective d'une vie après la mort. Très vite, j'ai eu besoin de trouver du sens à la vie et la seule chose qui m'a offert autant de merveilles et de mystère que semblait le faire Dieu, c'est l'Art et je dirais même plus précisément la création. Je pense que ma passion pour ces thèmes vient de ce constat personnel : l'imagination est la véritable énigme de notre espèce. De simples animaux, nous avons muté au point d'être capable de créer des mondes fantastiques qui n'existent pas et il y a là-dedans quelque chose qui m'excite au point de donner un sens à l'existence. Mes vidéos viennent de cette envie d'explorer – et de partager – ma fascination pour ces questionnements au travers d’œuvres marquantes et … remuantes ! Ce langage des artistes passe par des symboles et des visions qu'on trouve dans toutes ces œuvres un peu mystiques et sombres et c'est tout cela que j'essaye d'explorer, armé de mes seules sensations.
Le vertige artistique est un élément central de votre contenu. Pouvez-vous nous parler des esthétiques qui vous fascinent ? Comment ce goût pour l’étrange s’est-il construit ?
ALT236. C'est vrai que j'aurais pu interroger les mystères de l'art sous le prisme de la beauté « rassurante » et des arts disons plus classiques. Là encore, c'est extrêmement primaire mais cela vient du prix à payer quand on n’arrive pas à croire au paradis. On doit faire face au concept absurde de la mort. C'est quelque chose qui m'a terrifié très petit et je pense que mon amour de l'étrange vient vraiment du fait qu'il permet d’apprivoiser ce qui nous fait peur, de voir dans ces espaces inconnus la promesse d'une aventure plutôt que de la peur. J'essaye dans mes vidéos de montrer la beauté qui réside dans les esthétiques sombres et vertigineuses, de montrer à quel point l'imagination recèle de merveilles insoupçonnées. J'aime autant les films d'horreur que Goya ou les surréalistes, je vois autant de beauté dans un jeu vidéo japonais terrifiant que dans une mosaïque antique montrant la Gorgone. Quand on aborde ces thématiques qui donnent le vertige par le prisme de l'art, on peut curieusement trouver une certaine paix en les explorant.

Votre univers est peuplé de créatures horrifiques ou surnaturelles en tout genre : zombies, démons, entités monstrueuses... Parmi tous les bestiaires que vous déployez sur votre chaîne Youtube, quels sont vos “monstres” favoris ?
ALT236. Mes monstres favoris proviennent de l'esprit génial et torturé de Clive Barker et se nomment les Cénobites. Ils sont visibles dans une saga bien connue du cinéma appelée Hellraiser. Ce sont des monstres très dérangeants - ils ont un look démoniaque et sexuel qui oscille entre vêtements ecclésiastiques d'un culte satanique et tenue SM. Il y a toute une mythologie incroyable autour d'eux et l'auteur à réussi à revisiter les mondes infernaux chers à Dante et Milton d'une façon totalement originale. Il faut avoir le cœur bien accroché mais ce sont pour moi les créatures les plus iconiques du 7e art horrifique.
De quoi va-t-on parler lors de votre conférence le 14 octobre au Tambour ?
ALT236. On va essayer de savoir quelles sont les « zones » de l'imaginaire qu'on n’aurait pas encore explorées. Que nous reste-t-il à inventer qui ne l'ai jamais été ? Je crois que je suis un explorateur frustré. Comme des millions d'enfants j'ai trop fantasmé sur ce que doit ressentir une personne qui découvre quelque chose de caché, de secret, d'oublié... Je n'irai jamais dans l'espace ou au fond des océans mais l'art est le seul domaine où il reste des zones à explorer. C'est pour ça que j'utilise beaucoup de vocabulaire lié à l'aventure ou à l'exploration. Dans cette conférence, on va donc essayer de faire une sorte de carte virtuelle de ce qui a déjà été exploré dans l'imaginaire et de voir s'il reste des Terres Inconnues.
Les territoires de l’imaginaire sont infiniment grands. Devant cette exploration dans un univers colossal, insondable, vertigineux, n’avez-vous pas peur de vous perdre ?
ALT236. Si ! J'ai beau adorer ces univers dérangeants, j'essaye de préserver ma santé mentale, et j'alterne entre univers glauques et univers fantastiques plus lumineux. Je ne pourrais pas être sans arrêt dans la noirceur et le vertige des abysses car on finit par être un peu étouffé. Un explorateur doit espacer ses expéditions pour être dans les conditions optimales ! Comme je travaille seul devant un ordinateur à regarder des choses bizarres sans arrêt, j'ai aussi besoin de couper de temps en temps, de m'aérer l'esprit et d'aller découvrir d'autres choses. Enfin je m'attaque souvent à des univers dont il est impossible de faire le tour tant ils sont vastes et c'est souvent un sentiment que je ressens parfois en pleine écriture : comment je vais résumer un truc aussi faramineux ? Que vais-je dire qui n'ait pas été dit ? Comment trouver un angle efficace ?... C'est plus dans ces moments là que je me sens perdu et en plein vertige... mais c'est aussi ce défi qui m'attire et me passionne autant !