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Interview

Camille Kerdellant et Rozenn Fournier questionnent notre morale et nos certitudes

Camille Kerdellant et Rozenn Fournier sont en résidence à l’université Rennes 2 du 31 août au 4 septembre 2020. Les deux comédiennes de la compagnie KF œuvrent à la création de leur futur spectacle, La Galette des Reines (titre provisoire).

Cie KF

Animées par l’envie de donner la parole à des femmes aux parcours de vie hors du commun, loin du politiquement correct, elles se sont emparées de récits de vie, tirés de trois documentaires radiophoniques. Pour nous faire patienter avant leur représentation à l’université en 2021, elles ont répondu à nos questions :

Pourquoi s’être intéressées aux paroles de ces femmes ? Comment est née l’envie de les adapter pour la scène ?

Camille Kerdellant, Rozenn Fournier La curiosité d’inviter des femmes, peu/pas entendues, désobéissantes et affranchies des codes de la bienséance. Donner une parole « vraie - authentique» loin du récit formel écrit pour le théâtre. En tant que comédiennes, être dans un jeu à la lisière de l’hyperréalisme. Par la voix, nous recherchons une façon d’interpréter les personnages sans les incarner.

Loin des textes de théâtre, vous cherchez ailleurs les matières textuelles de vos créations : ici, des documentaires destinés à une diffusion radiophonique. Comment vous êtes-vous approprié cette forme de narration ?

C. K., R. F. À les entendre, la réalité dépasse la fiction. L’écoute des enregistrements, puis la retranscription par écrit, des mots, des qualités des silences, des respirations, des prises d’air, tout détail sonore entendu ou décrypté, ont donné lieu à la création d’un lexique. Outil qui doit nous permettre d’identifier à la lecture, le rythme, l’énergie de la diction, etc... du personnage - une partition musicale.

Quel fil rouge guide votre jeu pour incarner ces personnages ?

C. K., R. F. Ne pas être dans l’imitation, mais l’interprétation de la musicalité des voix.

Fin août 2020, vous entrez en résidence au plateau Bourdon à l’université pour poursuivre cette création en cours. Quels seront vos premiers pas pour l’élaboration de ce nouveau spectacle ?

C. K., R. F. Nous allons tester le son de nos voix spacialisées grâce à l’utilisation de micros et d’un système de diffusion. Avec ces outils artisanaux, nous allons chercher à traduire la sensation du rapport privilégié à l’auditeur·rice-spectateur·rice.

Pouvez-vous nous parler de votre intérêt pour l’oralité et l’organisation musicale d’un texte ?

C. K., R. F. Nous sommes toutes les deux chanteuses, nous aimons la poésie sonore, la musique des voix,  la musicalité des mots. Le langage est musique, il est l’expression musicale d’une intention, d’une émotion, d’une idée.

Quelle importance revêt pour vous la musique dans le théâtre ?

C. K., R. F. Le théâtre permet le jeu du langage. Le langage au théâtre est corporel, chorégraphié, visuel mis en scène, vocal, instrumental, il est poésie dans le lien qui se créer entre le son et l’image et le sens. La musique est dans et autour des mots, elle est aussi dans les mouvements du corps de l’acteur·rice…

Dans Les Amantes, l’une de vos dernières pièces, vous mettez en lumière le chemin tortueux emprunté par deux jeunes femmes au moment de leur passage à l’âge adulte.  Cette fois encore vous donnez la parole à des femmes. Des femmes dont le parcours de vie s’éloigne des normes que la société leur impose. Aborder la condition féminine dans vos créations répond-elle à une nécessité ? Aux besoins d’une actualité ?

C. K., R. F. C’est un va-et-vient entre l’envie et la nécessité. Nous tissons des liens entre notre vie de femme artiste et vie de citoyenne. Cela répond à ce jour à notre besoin, en tant que femmes, que mères, que grand-mères. Les négliger, cela veut dire se négliger. Il est temps plus que jamais de donner la parole aux femmes, de prendre la parole et faire entendre leurs paroles. On aime ausculter la société par le biais de témoignages, c’est une lutte vitale. Les tragédies modernes nous intéressent. Nous sommes touchées par la puissance des écritures qui heurte la pudeur par ses outrages, mais aussi le rire. L’art de la métaphore permet de donner à voir et à entendre la vie sous une lumière inédite.  Le flot musical, la passion langagière, l’absurdité, le pouvoir et les clichés sociaux, les illusions, les rêves, les rivalités et les déceptions rythment souvent la (les) vie(s) de ces femmes.  Pour éviter l’exceptionnel, on choisit différentes figures féminines.

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La compagnie KF est accueillie en résidence de recherche et de création au plateau Bourdon (Bât. D) à l’université Rennes 2, dans le cadre de leur projet La Galette des Reines du 31 août au 4 septembre 2020.

 

Mise en scène et interprétation : Camille Kerdellant et Rozenn Fournier

Collaboration artistique : Alain Philippe (musicien)

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