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Le DIU Études sur le genre fête ses 10 ans et accueille le public lors de son Académie d’été

Fanny Bugnon, maîtresse de conférences à l’Université Rennes 2 en histoire contemporaine, est responsable du diplôme interuniversitaire numérique « Études sur le genre ». À l’occasion de son Académie d’été qui se tiendra le 24 juin sur le campus Villejean, elle nous raconte comment cette formation, originale sur le fond et sur la forme, s’est créée et suscite chaque année plus de candidatures.

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affiche DIU genre 2022

Comment en êtes-vous venue aux études sur le genre ? Étiez-vous une étudiante particulièrement féministe ?

Fanny Bugnon. J’étais féministe bien avant d’être étudiante ! Je n’avais pas l’intention de lier le féminisme à mes études. Il se trouve qu’à la fin des années 1990, j’étais étudiante en DEUG d’histoire (équivalent des 1ère et 2e année de licence) à la Sorbonne et un cours optionnel (qu’on appellerait UEO aujourd’hui) intitulé « Femmes et travail » était proposé. Cela m’a beaucoup plu, tant et si bien que j’ai décidé d’intégrer cet angle dans la suite de mon cursus : je suis historienne et mon mémoire de maîtrise portait sur les thématiques du féminisme et de l’antiféminisme. J’avais un intérêt pour l’objet et j’ai eu la chance de pouvoir le croiser à l’université. J’ai fait ma thèse à l’université d’Angers, sous la direction de Christine Bard, puis j’ai été recrutée comme ingénieure d’étude sur des contrats de recherche à partir de 2005 à Rennes 2. Quand le projet du DIU Études sur le genre s’est monté, j’ai été associée dès le début à la réflexion.

Quelles sont les origines de cette formation ?

F. B. Ce diplôme interuniversitaire, qui se fait à distance, a ouvert en 2012, mais il était en préparation depuis 2008, à la faveur d’un appel à projets européen qui transitait par la Région Bretagne. Ma prédécesseure, Annie Junter, juriste qui occupait un poste fléché études féministes et sur les femmes – l’un des premiers postes créés en 1985 dans les universités à l’initiative d’Yvette Roudy et de Jean-Pierre Chevènement -, et Arlette Gautier, sociologue et démographe à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), ont saisi cette occasion pour imaginer une nouvelle formation. Cela faisait plusieurs années que le besoin de formation sur les questions d’égalité avait été identifié à l’échelle du territoire breton : des demandes de personnes travaillant dans le monde associatif et dans les collectivités locales, en lien avec les orientations européennes, qu’elles aient un caractère obligatoire ou qu’il s’agisse de critères dans des appels à projets. Ces personnes étaient confrontées sur le terrain à des problématiques d’inégalités entre les sexes, à des questions en lien avec le genre, mais n’avaient pas suivi de formation universitaire sur le sujet. Elles avaient donc besoin de se former, mais elles avaient aussi des contraintes de temps et de mobilité fortes, incompatibles avec une reprise d’études à l’université sur un format classique. Le campus numérique de Bretagne s’est monté à ce moment-là et est apparu comme un moyen de contourner les difficultés que rencontraient ces personnes pour suivre des formations.

Dans le cas du DIU, le recours au numérique n’est pas né à l’initiative de l’université, mais des besoins et des contraintes des personnes qui voulaient se former. Il est fondamental de le souligner, notamment dans la période actuelle marquée par l’enseignement à distance contraint par la pandémie. Il a donc fallu inventer une formation qui était en dehors des cadres habituels, sur le fond comme sur la forme. C’est en quelque sorte une formation OVNI que nous avons montée à une époque où la question du genre intéressait peu le monde universitaire.

Le DIU fête ses dix ans cette année. Aujourd’hui à qui s’adresse-t-il ? Comment a-t-il évolué ?

F. B. Ce qui a changé, c’est le nombre de personnes qui s’intéressent à la formation et qui candidatent effectivement. Nous proposons 20 places (et pas davantage pour accompagner de façon individualisée les stagiaires) : les premières années, on les remplissait à peine, mais l’année dernière, nous avons reçu 70 personnes en entretien de sélection ! Dans le sillage de la vague #Metoo, la question de l’égalité est une attente sociale manifeste. Les profils des candidat·e·s sont très variés : élu·e·s, personnes travaillant les collectivités ou institutions publiques, dans le secteur social et du soin, dans le monde associatif, des enseignant·e·s… Les pré-requis pour candidater : avoir un niveau bac + 3 et faire état d’une motivation et d’un projet professionnel.

Tous les ans, le DIU Études sur le genre organise une Académie d’été. A qui s’adresse-t-elle ? Quelle sera la thématique cette année ?

F. B. L’Académie d’été fait partie intégrante de la formation. C’est le seul temps organisé en présentiel du DIU et c’est un temps fort. Elle dure une semaine et comprend une journée publique dont la thématique change chaque année, en résonnance avec l’actualité. Nous invitons des chercheurs et des chercheuses, des actrices et acteurs du monde associatif, des collectivités ou des institutions qui participent à des conférences, des tables rondes et des événements culturels. Cette année, nous avons choisi de nous intéresser à la culture parce que cela nous semble répondre à une demande sociale forte dans le contexte #Metoo qui a révélé que la culture n’était pas un espace à l’abri des inégalités et des violences de genre. Le monde de la culture reproduit en effet des rapports de pouvoir, de domination, des formes de plafond de verre, comme tous les secteurs, mais on peut avoir l’illusion que les inégalités de genre sont moins présentes parce que c’est un secteur qui est très féminisé par ailleurs. Mais la mixité n’est pas l’égalité !

L’Académie d’été constitue un moment extrêmement dense, très convivial aussi. La formation se fait à distance pour répondre aux contraintes des stagiaires, mais la coprésence,  - et la pandémie est venue le rappeler de manière cruelle et brutale-, permet de la stimulation dans les apprentissages, des interactions sociales enrichissantes. De plus, l’université prend en charge les hébergements et les repas des stagiaires grâce à nos financeurs qui soutiennent le DIU depuis le début : le Conseil régional de Bretagne et la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité . Ce « modèle breton de l’égalité », cette logique de partenariat entre le monde académique, les collectivités, les politiques et le monde associatif, on ne la retrouve pas partout. Il y a en Bretagne une forme de synergie, des manières de faire et d’agir remarquables, et le DIU en est un résultat remarquable.

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