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Exomic : une recherche unique au monde sur le microbiote intestinal

Caractériser la composition de la flore intestinale en fonction de la pratique sportive : c’est l’objectif de cette étude menée par le laboratoire M2S, comme nous l’explique le directeur du projet Frédéric Derbré.

Comment est né le projet EXOMIC ?

Frédéric Derbré, maître de conférences au sein de l'UFR STAPS de Rennes 2 : Au sein du laboratoire M2S, je conduis des recherches depuis une dizaine d’années sur la compréhension du métabolisme énergétique et musculaire dans différentes situations physiologiques (activité sportive, sédentarité, alitement, problématiques de microgravité, etc.). En collaboration avec l’équipe DMEM de Montpellier, nous avons notamment montré que des souris dont nous avions détruit artificiellement la flore intestinale étaient moins performantes en endurance que des souris au microbiote fonctionnel. À la suite d’une publication, nous avons été contacté·e·s par la start-up Nahibu, spécialisée dans l'analyse du microbiote intestinal à des fins d’amélioration de l’état de santé. Concrètement, l’entreprise vous fournit un kit de prélèvement des selles que vous renvoyez par courrier, et 6 à 8 semaines plus tard vous obtenez un bilan avec l’identification des bactéries présentes dans votre intestin. Plus celles-ci sont variées, mieux votre microbiote fonctionne – une personne en bonne santé peut avoir une flore intestinale composée de 250 à 300 espèces différentes de bactéries. L’idée est ensuite, d’après la composition observée, d’apporter des conseils en termes d’alimentation et d’entraînement sportif. Rufin Boumpoutou, médecin du Stade Rennais FC, collabore ainsi avec Nahibu pour avoir des recommandations afin d’améliorer les performances des footballeur·se·s du club. Il s’agit donc pour nous de mettre en œuvre nos compétences scientifiques pour répondre aux besoins des professionnel·le·s. L’étude Exomic est soutenue par la Région Bretagne dans le cadre du dispositif « Inno R&D », qui vise à encourager les collaborations entre entreprises et unités de recherche.   

Test d'effort d'un cycliste de l'équipe Sojasun Espoir pour le projet Exomic. 
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Test d'effort d'un cycliste de l'équipe Sojasun Espoir pour le projet Exomic. 

Quel est le but de l’étude ?

F. D. : Nahibu souhaite développer des algorithmes permettant de prédire, à partir du screening du microbiote, les capacités physiques d’une personne lorsqu’elle fait de l’activité physique, sans passer forcément par une évaluation médicale. La question est donc de savoir comment les besoins énergétiques d’une personne au quotidien affectent sa flore intestinale. Pour cela, nous réalisons une étude clinique sur le rôle joué par le microbiote sur les capacités fonctionnelles, indépendamment de l’alimentation, en comparant des sportif·ve·s avec des personnes peu actives physiquement. Nous savons depuis très longtemps que les sportif·ve·s ont un microbiote différent, mais toute la question est de savoir si cette composition spécifique est due à une meilleure hygiène de vie, notamment alimentaire, ou à une adaptation du microbiote en vue d’extraire un maximum d’énergie du bol alimentaire. Notre hypothèse est que, pour une même quantité de nourriture, les sportif·ve·s de haut niveau sont capables d’obtenir beaucoup plus d’énergie, grâce à une flore intestinale adaptée.

Comment se déroule l’étude et à quel stade en êtes-vous ?

F. D. : Le projet a débuté en janvier 2022 et s’inscrit dans le temps long. Nous sommes actuellement dans la première phase de l’étude clinique et du traitement des données. Un ingénieur de recherche (David Martin) et un étudiant de Master 2 (Mathis Bonneau) ont été recrutés pour cela grâce au soutien de la région Bretagne et de l’EUR Digisport. Pour étudier les sujets sportifs de haut niveau, nous travaillons avec l’équipe Sojasun Espoir, qui a un niveau national en cyclisme, et des joueurs de l’équipe de réserve du Stade rennais, des jeunes footballeurs professionnels ou aspirant à le devenir. Et nous recherchons en ce moment des sujets peu actifs mais ayant une alimentation équilibrée avec qui les comparer*. L’étude comporte trois visites au laboratoire M2S : la première permet de répondre à des questionnaires et de se voir remettre un kit Nahibu, la deuxième consiste en un test d’effort maximal sur un vélo pour recueillir des données métaboliques, et la troisième en un test d’effort de faible intensité à jeun. Si on compare le corps à une voiture, on peut dire que le premier test permet d’évaluer la puissance du moteur, et le second le type de carburant utilisé – glucides ou lipides. Les personnes volontaires repartent donc avec un bilan microbiote complet d’une valeur de 500-600 euros, et des conseils pour se (re)mettre au sport.

Dans la deuxième phase du projet, nous collaborerons avec l'Institut de recherche mathématique de Rennes (IRMAR) sur la partie modélisation et statistiques pour développer des outils algorithmiques de prédiction de l’état métabolique à partir de la composition du microbiote intestinal. Cette deuxième phase du projet débutera à l’automne dans le cadre d’un projet de thèse labellisée par l’EUR Digisport.

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