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« Glocal street art » : artistes et universitaires réuni·e·s lors d’un colloque international

Conférences, visites, exposition… Le street art sera à l’honneur les 24 et 25 février 2022 à l’Université Rennes 2. Edwige Comoy Fusaro, professeure en études italiennes et co-organisatrice de l’événement, nous en dit plus sur ce sujet de recherche émergent.

affiche colloque glocal street art

En tant que membre du Centre d'études des langues et littératures anciennes et modernes de Rennes 2, pouvez-vous tout d’abord expliciter les liens entre street art et langues et littérature ?

Edwige Comoy Fusaro : Comme toute forme d’expression artistique, le street art communique et produit des récits. C’est, en plus, un art qui combine plusieurs langages, notamment iconographique et verbal, dans un emploi non pas dénotatif mais connotatif, c’est-à-dire qui véhicule un sens tacite. Le street art manie notamment l’ironie, la métaphore, et joue beaucoup sur les détournements. Par exemple, tout le monde connait ces sens interdits où la barre blanche a été utilisée pour faire autre chose - des œuvres de Clet Abraham, un Breton qui vit à Florence. Le street art est post-moderne en ce qu’il travaille beaucoup la citation, la référence à la culture pop (bandes dessinées, mangas, cinéma, séries) mais aussi à la culture tout court. Lors de mon dernier séjour en Italie fin 2021, j’ai découvert une quantité d’œuvres de street art sur Dante : c’était justement le 700e anniversaire de sa mort. Il y a chez ces artistes une volonté de s’appuyer sur un patrimoine culturel, local ou global, pour dire autre chose que ce que l’on dit immédiatement par l’œuvre, il y a à la fois de l’implicite et de l’explicite. C’est très littéraire au fond ! Une œuvre littéraire dit autre chose que ce qu’elle dit à la lettre, elle assume une dimension atemporelle et universelle qui dépasse son ancrage contingent. En street art comme en littérature, l’œuvre s’extrait de sa localité pour devenir globale.

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Un détournement de sens interdit à Florence.

Que signifie justement le mot « glocal », utilisé en titre du colloque ?

E. C. F. C’est un mot-valise formé à partir de « global » et « local ». C’est un terme né il y a une vingtaine d’années dans les études anglophones pour désigner des phénomènes que l’on a vu émerger à la faveur de la globalisation, depuis les années 1990, de balancier entre un retour sur les territoires et une expansion planétaire. Le street art illustre très bien ce concept puisque c’est le premier mouvement mondial de l’histoire de l’art, dans lequel il y a en même temps toujours une volonté flagrante de valoriser le lieu où les œuvres sont localisées. Par exemple, dans le florilège des langues utilisées, même si l’anglais est privilégié en tant que langue de communication internationale, d’autres plus rares sont utilisées, dont certaines s’appuient sur une identité locale, comme le latin en Italie par exemple.

portrait Dante Florence
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Un portrait de Dante à Florence. 

Quels sont les axes de réflexion du colloque ?

E. C. F. Ils sont résumés par les trois termes du sous-titre. « Lieux » pose la question de l’incidence du lieu de production ou de diffusion d’une œuvre : a-t-elle le même sens et la même fonction quand elle est placée dans un environnement physique (sur un panneau de sens interdit, un trottoir ou une armoire électrique) et quand son image circule sur les réseaux sociaux ? Évidemment non, et elle n’a pas non plus la même réception. Les œuvres de street art sont, à l’origine, des œuvres conçues in situ, produites pour un site bien spécifique et prenant sens dans ce site. Par exemple, Ernest Pignon-Ernest, l’un des pionniers du street art, a posé des affiches représentant Pasolini sur le lido d’Ostie, près de Rome, où le poète a été assassiné, pour le 40eanniversaire de sa mort. Et comme les œuvres de street art sont aussi éphémères, dans la mesure où elles sont souvent polluées ou éliminées, on les voit circuler sous forme d’image par captation photo ou vidéo, notamment sur les réseaux sociaux ou les sites des artistes. De plus, ces artistes travaillent dans la clandestinité mais ont besoin de manger comme tout le monde, celles et ceux qui sont reconnu·e·s peuvent ainsi avoir une activité artistique en parallèle dans le monde institutionnel, exposer et vendre leur travail dans des galeries. Donc les lieux sont une question cruciale pour cet art.

« Récits » et « identités » renvoient à la « glocalisation » déjà évoquée, aux références à la fois aux cultures territoriales et à la macroculture planétaire. Les œuvres dépassent les particularismes locaux, le sentiment d’appartenance à un clocher, tout en valorisant les spécificités locales.

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Une petite fille portant un slip de Superman : un collage d'Alexandre Bouchon rue St Malo à Rennes.

Quels seront les temps forts du colloque ?

E. C. F. La présence de deux artistes que nous sommes vraiment ravies d’accueillir : The Blind, artiste nantais très actif sur la scène bretonne, en résidence à Rennes 2 cette année ; et RNST, qui est intervenu aux Ateliers du vent à Rennes en décembre 2021 et réalisera, juste après la tenue du colloque, le mur de la rue Vasselot. Nous aurons également, parmi les 16 communicant·e·s, un doctorant lui-même artiste qui mène une recherche-action et représente donc bien les tendances actuelles de la recherche dans le domaine. Il y aura également une visite guidée des œuvres d'art du campus Villejean par les étudiantes du master « Médiation du patrimoine » ainsi qu’une exposition photo de 48 œuvres de street art dans le hall du bâtiment L. Celles et ceux qui le souhaitent pourront aussi aller voir l’exposition « (In)visibles » à la Chambre claire (photographies de Mathias Bones, intervention tactile et picturale de The Blind).

Retrouvez le programme complet du colloque « Glocal street art. Lieux, identités, récits », organisé par Edwige Comoy Fusaro et Hélène Gaillard (Université de Bourgogne), les 24 et 25 février 2022, en format hybride (présentiel + distanciel). 
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