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Moovency, un temps d’avance sur le marché de la détection des troubles musculosquelettiques

La start-up issue de l’Université Rennes 2 et hébergée à Rennes par le Village by CA (l’accélérateur de start up du Crédit agricole) a développé Kiméa, une solution logicielle qui permet de détecter les risques de troubles musculosquelettiques (TMS) au travail et de prévenir ainsi les maladies professionnelles. Moovency compte aujourd’hui sept employés. Grâce à une levée de fonds de près de 2 millions d’euros, elle s’agrandit avec plusieurs recrutements, la création de nouveaux produits de R&D et l'export à l'international de sa solution. Entretien avec Pierre Plantard, co-fondateur et directeur R&D de Moovency.

 

Pierre Plantard
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Crédit photo : La Poste

Vous avez entrepris une levée de fonds de 2 millions d’euros. Que marque cette nouvelle étape pour le développement de Moovency ?

 Pierre Plantard Une première levée de fonds de l’ordre de 500 000 euros s’est faite avec des investisseurs privés qui ont pris une part de capital de la société. Cela nous permet d’emprunter après des banques et de bénéficier des aides financières à l’innovation de la BPI, pour atteindre 1,5 millions sur ces prêts non dilutifs. Nous avons aussi obtenu des financements pour quelques projets collaboratifs de R&D qui vont débuter. Après un an passé sur la preuve de concept pour valider le produit et obtenir de nouveaux contrats, nous changeons d’échelle pour nous étendre au niveau du marché français, structurer notre offre, sortir de nouveaux produits de R&D et passer d’un système de business relationnel à du marketing. À plus long terme, nous allons réfléchir à l’internationalisation de la solution et tester différentes modalités comme le passage à des distributeurs ou la vente directe. Notre marché est émergent, avec des concurrents et des innovations qui vont très vite. Il faut être à la pointe, s’adapter aux nouvelles problématiques, comme la problématique sanitaire. Cette levée de fonds est là aussi pour montrer que dans cette course de vitesse, nous avons un temps d’avance et nous voulons le garder.

Quels sont vos futurs projets ?

P. P. Kiméa est aujourd’hui industrialisée et utilisée par plusieurs clients. Notre idée maintenant, c’est d’utiliser le cœur algorithmique de Kiméa, - développé lors de ma thèse à l’Université Rennes 2 -, pour d’autres produits. Par exemple, on vient de finaliser une expérimentation dans les métiers de la formation aux gestes et postures avec un centre de formation CFA dans le BTP. Ce n’est plus de l’ergonomie, même si c’est assez proche : l’outil que nous avons développé permet de confronter le geste de l’apprenant à un geste de référence et de voir comment accompagner sa formation aux gestes métiers spécifiques. C’est un autre usage de la technologie, avec la même base scientifique.

Cela signifie-t-il que vous allez cibler des secteurs autres que l’industrie ?

P.P. Oui. À l’origine, nous avons approché l’industrie manufacturière parce que c’est là qu’il y a le plus de gestes répétitifs et de problématiques de TMS. D’autres sous-secteurs sont prioritaires comme l’agroalimentaire ou l’automobile, la métallurgie. Nous avons fait évoluer l’outil pour qu’il soit plus pertinent dans d’autres secteurs d’activité, par exemple la logistique ou le bâtiment. Cela nécessitait de suivre l’opérateur dans son travail, ce que notre caméra ne permettait pas avant. Nous allons aussi cibler d’autres clients comme les formateurs en prévention des risques liés à l’activité physique (PRAP). Ce sujet est purement R&D pour le moment, mais nous avons envie de le commercialiser.

Votre solution peut-elle aussi être utilisée dans le milieu médical ?

P.P. Nous allons expérimenter un projet sur la formation des aides-soignants avec le pôle hospitalier Saint-Hélier de Rennes car le port de patients entraîne beaucoup de maladies professionnelles. Il est difficile d’aménager ce type de poste de travail, parce qu’il se trouve à l’interface entre deux personnes. Nous allons essayer de déterminer les gestes les moins contraignants lors d’un port de patient et proposer des formations pratiques et interactives grâce à un jumeau numérique.

Quel est le modèle économique de Moovency ?

P.P. Nous avons un premier modèle qui repose sur la vente du kit Kiméa qui comprend l’ordinateur avec le logiciel, la caméra, les gants connectées et de la licence annuelle d’utilisation. Notre deuxième modèle est la prestation de services. Nous avons fait très tôt le choix d’embaucher des ergonomes qui connaissent les problématiques terrain et peuvent proposer une qualité de services et de conseil en ergonomie basée sur la technologie Kiméa. Nous allons lancer un troisième modèle pour les indépendants qui paieront à l’utilisation, après avoir passé une certification de bon usage de la technologie.

Quelle est votre spécificité par rapport à vos concurrents ?

P.P. Ma thèse m’a permis de me rendre compte que les caméras de profondeur ne pouvaient pas être utilisées directement. Les algorithmes développés lors de ma thèse nous permettent aujourd’hui de faire des mesures précises et robustes dans un environnement industriel. Moovency est un subtil mélange entre robustesse scientifique et simplicité d’utilisation. Nous avons voulu des technologies qui soient les moins invasives pour l’opérateur et l’utilisateur. On se différencie des solutions existant sur le marché qui sont basées sur des capteurs placés sur le corps et qui nécessitent de calibrer l’espace, la posture, parfois même d’enfiler des combinaisons. On a réussi à ne plus avoir de calibration avec notre système. Notre outil aide l’ergonome, mais lui donne pas directement les recommandations à faire. L’ergonomie est multifactorielle, nous mesurons les conséquences biomécaniques, et c’est le métier de l’ergonome que de trouver la causalité : vient-elle de l’organisation du travail, relève-t-elle des risques psycho-sociaux ? Grâce à Kiméa, l’ergonome se base sur des chiffres objectifs. C’est essentiel pour qu’il puisse négocier ensuite des budgets et aménager des postes de travail.

Poursuivez-vous les collaborations avec le laboratoire Mouvement, Sport, Santé (M2S) de l’Université Rennes 2 ?

P.P. Bien sûr ! Le laboratoire est un partenaire privilégié en raison de ses axes de recherche et des équipements qu’il propose et je suis toujours ravi de revoir mes anciens collègues ! On a utilisé l’été dernier Immermove pour valider la précision de nos capteurs. Cette plateforme est assez unique et répond à nos besoins de mesures de validation des développements. Nos futurs projets de R&D impliqueront sans doute encore d'utiliser Immermove et de travailler avec l’équipe MimeTIC (M2S/INRIA/IRISA).

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