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Interview

Simone Manetti partage son amour pour l’artiste italienne Pippa Bacca

À partir du 25 janvier et pendant 7 jours sera diffusée en ligne I'm in love with Pippa Bacca , un documentaire réalisé par Simone Manetti qui raconte l'histoire tragique de Pippa Bacca et de son voyage.

Simone Manetti

Giuseppina Pasqualino di Marineo, née le 9 décembre 1974 et morte le 31 mars 2008, connue sous le nom de Pippa Bacca, est une artiste italienne.

Pour promouvoir la paix mondiale avec une autre artiste, elle réalise un trajet en auto-stop de Milan jusqu'au Moyen-Orient afin de faire « un mariage entre les différents peuples et nations » en portant symboliquement une robe de mariée lors de son voyage. A Gebze, en
Turquie, un homme va la violer et l'assassiner.

Pouvez-vous nous raconter l’origine du titre de votre documentaire “ Je suis amoureux de Pippa Bacca ” ?

Simone Manetti. Le titre du documentaire a une triple valeur : il s’agit d’une sorte de déclaration de ma part et de combien l’histoire de cette jeune femme et de ses idées m’ont touché et étonné; il s’agit également d’un souhait, au sens où mon plus grand voeu serait que le public puisse tomber amoureux, pas nécessairement du film, mais de sa protagoniste. C’est enfin une sorte de citation puisqu’il s’inspire d’une oeuvre même de Pippa Bacca. Son compagnon de l’époque l’avait quittée lui disant qu’il n’était pas amoureux d’elle. Elle, en réaction et réponse, fit imprimer mille cinq cents badges avec la mention “Je suis amoureux/se de Pippa Bacca, Demande-moi pourquoi!” et les distribua dans tout Milan pour faire en sorte que le compagnon “désarmé” face à la rencontre de tous ces gens amoureux de Pippa puisse revenir sur sa décision. Naturellement, même en cette occasion, l’art devint partie prenante de sa vie de manière ironique et brillante.

L’histoire de Pippa Bacca et de Silvia Moro a déjà fait l’objet d’autres productions artistiques. Pourquoi s’être emparé de ce récit à votre tour ? Quelle a été votre démarche en tant que réalisateur ?

S. M. Cette histoire m’a été “rappelée” et proposée par le co-auteur du film, Gianluca Perilli. Il m’en avait parlé et les dépêches des JT nationaux qui firent irruption dans nos foyers il y a plus de dix ans revinrent à mon esprit. Une jeune femme, en robe de mariée, a été violée et tuée aux portes d’Istanbul. Ce fut une nouvelle déflagrante et visuellement très puissante, mais à ce moment là, comme la plupart des gens, j’en restai là, sans enquêter, sans vouloir comprendre et sans me demander pourquoi cette femme était là. Dix ans plus tard, j'ai repris en main cette histoire et je l’ai faite avec une intention absolument différente, celle de comprendre. Je suis parti d’un événement tragique et meurtrier et j’ai essayé d’en faire un prétexte pour réaliser un film sur la vie. Les histoires, les faits, les personnages, tout ce qui nous entoure, existe, de fait, si on le raconte et je sentais que l’histoire de Pippa Bacca avait non seulement le droit mais aussi la nécessité, pour nous tous, de continuer à exister. Le film est une tentative d’arracher cette histoire à l’évanescence naturelle de la mémoire.

Que répondez-vous aux personnes qui pensent que cette performance artistique tragiquement interrompue illustre le contraire du message que souhaitait porter Pippa Bacca ?

S. M. Beaucoup de personnes prononcèrent une phrase souvent associée aussi à d’autres événements: “Elle l’a bien cherché”. Je pense que cette phrase cache un instinct naturel d’auto-défense. Dire qu’une personne a bien “cherché” quelque chose nous met automatiquement à l’abri parce que, selon ce discours, nous n’irions pas nous même “chercher” ce qu’il lui est arrivé. Le fait que le voyage de Pippa et Silvia a été interrompu nous montre de manière déchirante et frappante combien ce voyage et cette performance étaient, et continuent d’être, absolument nécessaires.

À la performance de Pippa Bacca, on peut associer les mots de l'écrivain Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Pensez-vous que le monde actuel laisse encore une place aux utopies ?

S. M. Question complexe. Je crois fermement que notre devoir en tant qu’humain et artiste en particulier est de continuer à croire en la possibilité que certaines utopies puissent devenir une réalité, d’essayer de les réaliser, et de travailler à ce que d’autres puissent essayer après nous.

Propos traduit de l’italien par Giuseppe Coniglio, enseignant au département italien à l’université Rennes 2.

Titre de l'encadré
Informations pratiques
texte

I’m in love with Pippa Bacca (Italie, 2020, 76 minutes, VO sous-titrée français)
Un film documentaire de Simone Manetti
Diffusion à partir du lundi 25 janvier 18h, et accessible pendant 7 jours.
Gratuit
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Mots clés
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