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Interview

L’Escape Game, une pratique pédagogique innovante : rencontre avec Dolly Ramella Georget

La doctorante en Linguistique, didactique et ingénierie pédagogique au sein du laboratoire LIDILE porte ses réflexions sur l’acquisition des langues étrangères au sein des EIAH (Environnement Numérique pour l’Apprentissage Humain) et des Serious Games*.

Dolly Ramella Georget

Au sein de l’équipe FLEscape qui réunit étudiant·e·s et doctorant·e·s motivé·e·s par l’innovation dans les méthodes d’enseignement, Dolly Ramella Georget participe au développement des outils pédagogiques et numériques et forme des enseignant·e·s à la gamification de leur cours. L’année passée, elle dirigeait la création de l’Escape Game « Le féminisme expliqué aux extraterrestres », un projet initié par le service culturel de l’université Rennes 2 et le Laboratoire LIDILE EA 3874 en vue de la Journée Internationale pour les Droits des Femmes. Conçu pour et par les étudiant·e·s de l’université Rennes 2 et présenté au public en mars 2020, cet Escape Game verra le jour dans sa version numérique à l’occasion de la semaine campus qui aura lieu du 22 au 24 septembre.

Qu’est-ce que le LearningScape ? Quel intérêt ce concept présente-il?

Dolly Ramella Georget LearningScape regroupe tous les plateaux Escapes Games dédiés à l’apprentissage d’une langue étrangère (anglais, français, espagnol, etc.). Avec LearningScape, nous essayons de créer une grande plateforme de ressources (numériques, non numériques et hybrides) pour l’acquisition des langues de manière ludique. Jusqu’ici, nous pouvons dire que nous avons déjà créé diverses ressources pour l’anglais, l’espagnol et surtout le français comme langue étrangère et à présent nous travaillons à la compilation des différents travaux de nos étudiant·e·s et des enseignant·e·s qui ont participé aux formations que j’ai données dans différents contextes, notamment les ingénieurs du PERL (Pôle d’Elaboration de Ressources Linguistiques) de l’université de Paris Diderot et les enseignant·e·s de l’université de Manama (Royaume du Bahreïn). Nous avons comme but ultime avec LIDILE de valoriser ces productions sur notre plateforme numérique afin de diffuser ces travaux et les rendre disponibles pour les enseignant·e·s de langue étrangère du monde entier.

Vous préparez actuellement votre thèse Du corpus linguistique au serious game : convergences méthodologiques et numériques pour la didactique des langues à luniversité Rennes 2 dans laquelle vous questionnez l'impact d’un EIAH (Environnement Numérique pour l’Apprentissage Humain) dans le cadre de l’acquisition d’une langue étrangère. Pourquoi le recours aux outils numériques apparaît-il comme une évidence dans le cadre d'un Escape Game ?

D. R. G. Aujourd’hui, le numérique est une évidence pour presque toutes les activités du quotidien et les Escapes Games n’échappent pas à cet état de fait. En effet, les outils numériques nous permettent de faire des choses que nous ne pourrions pas envisager sans eux. Nous n’aurions jamais pu lancer l’ouverture exceptionnelle du master didactiques des langues en ligne et continuer les cours à l’université sans les plateformes virtuelles par exemple. Dans le cadre de ma thèse, je peux permettre aux étudiant·e·s qui apprennent le français de découvrir la ville de Rennes même s’ils ne se trouvent pas en territoire français grâce à la reproduction à 360° de la ville de Rennes. De plus, le recours au numérique dans les Escapes Games nous permet par exemple d’utiliser de multiples ressources multimédias pour créer une immersion totale. En effet,  nous avons créé une ambiance à partir de la combinaison de plusieurs sons et musiques. Nous avons aussi tourné des vidéos pour le briefing de nos Escape Games, ce qui nous permet de jouer avec des scénarios fantastiques. Dans le cas des énigmes, nous avons dans chaque plateau d’Escape Game des énigmes numériques qui nous permettent par exemple de faire se déplacer les participant·e·s dans le campus de Villejean sans sortir de l’escape room. Bref, le numérique nous permet de dépasser les limites matérielles et de faire ce que nous ne pouvions pas faire en présentiel comme ouvrir un coffret fort d’une banque ou démarrer une machine temporelle… des éléments indispensables pour un Escape Game !

Comment construit-on un Escape Game tel que « Le féminisme expliqué aux extraterrestres » ? Quelles ont été les étapes de création?

D. R. G. Pour construire un Escape Game Pédagogique, on commence par définir l’objet d’étude, ce que l’on veut que nos participant·e·s acquièrent ou apprennent en résolvant des énigmes. Dans le cas de l’Escape Game féministe, l’équipe de conceptrices a discuté et est tombée d’accord pour que ce soit la diffusion de ce que représente vraiment le féminisme, loin des stéréotypes qu’on peut lui associer. Une fois l’objet d’étude défini, nous commençons à construire le scénario, c’est-à-dire l’histoire que l’on va raconter aux participant·e·s pour qu’ils·elles soient immergé·e·s dans le jeu. Plus le scénario s’éloigne de la réalité, plus ce sera simple pour les participant·e·s d’entrer dans le jeu parce qu’ils·elles oublieront ce qui est en-dehors de la salle, le monde « réel ». Dans l’Escape Game féministe, notre scénario consiste à aider un·e extra-terrestre coincé·e sur Terre. Il faut donc l’assister dans sa recherche des cinq reliques du féminisme afin qu’il·elle puisse les ramener dans sa galerie intergalactique. Ensuite, une fois notre scénario défini, il faut commencer à concevoir les énigmes. Les énigmes sont propres à chaque concepteur·rice ; moi par exemple, j’aime le numérique donc chacune de mes énigmes a une étape ou un indice numérique. Il faut aussi avoir une grande cohésion dans l’équipe conceptrice parce que toutes les énigmes doivent avoir un lien commun. En effet, chaque énigme doit donner aux participant·e·s une « clé » et une fois que les participant·e·s trouvent l’ensemble des clés, cela leur permet de sortir de l’escape room. Une fois ces étapes passées, la partie la plus amusante de la création d’un Escape Game commence : la création et le montage de la salle ! On se sert de tout de ce que l’on trouve à la maison pour le décor et pour la création des énigmes (parfois, cela nous donne aussi de l’inspiration). Après, il faut tester au moins une fois notre salle et nos énigmes pour savoir si ce n’est pas trop difficile ou trop simple. Les tests nous permettent de donner cette touche finale à l’histoire et à notre scénario, nous avons eu parfois des éléments qui se sont ajoutés après les séances « test » parce que l’on sentait qu’il manquait quelque chose ; ensuite, les participant·e·s lors des « vraies » séances, on s’aperçoit que les rectifications effectuées grâce aux tests sont indispensables au bon déroulement du jeu.

Comment avez-vous utilisé les ressources de l’université pour sa création?

D. R. G. Au début, nous avons construit les prototypes d’Escape Game avec du matériel que les étudiant·e·s ont apporté de chez eux·elles. Suite aux différents tests que nous avons réalisés à l’université, des étudiant·e·s ou des enseignant·e·s nous ont orientés vers les pôles de l’université qui pourraient nous aider dans l’amélioration de nos plateaux. D’abord, nous avons contacté le SUP pour pouvoir utiliser les plateaux du PNRV. Le SUP nous a parlé du CREA qui pouvait nous prêter du matériel pour le tournage de nos vidéos d’introduction du jeu. Ensuite, en 2017 j’ai participé au premier VIP (Valorisation des Initiatives Pédagogiques en Bretagne et Pays de la Loire) où nous avons monté pour la première fois les premiers prototypes de nos Escape Game à l’extérieur de l’Université et lors de cette journée nous avons rencontré le FabLab de Rennes 1. Un peu plus tard, nous avons fait appel à ce Fablab, et nous remercions en particulier Laurent Mattle le fab-maganer de Rennes 1, qui nous a accompagné dans les manipulations de la découpeuse laser et l’imprimante 3D.

Le CREA nous a parlé de l’Edulab de Rennes 2 qui nous a aidé avec la création de certains objets des énigmes et finalement, depuis que nous avons lancé avec l’Escape Game féministe nous avons eu la possibilité de donner une visibilité à grande échelle à notre initiative grâce au service culturel.

Quel avenir pour cet Escape Game sur le thème du féminisme ?

D. R. G. À présent, je travaille sur la version numérique de l’Escape Féministe afin de lui donner une visibilité encore plus grande. Il s’agira d’un croisement entre mon projet de thèse, la création d’un Serious Game Numérique pour l’apprentissage des langues à l’aide des photos 360 et l’Escape Game que nous avons présenté au mois de mars. Il sera gratuit et disponible pour que chaque personne qui souhaite participer puisse le faire depuis chez lui sans avoir à se déplacer. Le numérique nous permettra de vous offrir des créneaux pour vous connecter et jouer, de même vous pourrez choisir de jouer seul·e ou en groupe, il vous suffira de vous mettre d’accord avec vos ami·e·s.

Des projets en cours ?

D. R. G. En plus de travailler sur la version numérique de l’Escape Game Féministe, en ce moment, je travaille sur la mise en place de mon jeu pour mon projet de thèse. J’ai fini cette année la reconstruction à 360° de la ville de Rennes et à présent, je suis en train d’ajouter la ludification et des énigmes qui vont lier ce Rennes virtuel à l’apprentissage du Français Langue Etrangère. Je travaille aussi sur un monde virtuel en 3D qui permettra d’utiliser les connaissances acquises par les participant·e·s pour débloquer la dernière grande étape du jeu. Ce monde virtuel fait aussi partie des cours du nouveau parcours à distance du master Didactiques des langues de Rennes 2. En effet, cette année je vais travailler en tant qu’ingénieure pédagogique pour la numérisation des cours du master Didactiques des langues sous la direction d'Elisabeth Richard, directrice de l’équipe LIDILE et responsable du master. Les étudiant·e·s de master 1 et 2 vont avoir un espace ludique et interactif pour échanger entre eux·elles et apprendre à utiliser les outils numériques avec moi. Les cours pour l’exploitation des outils numériques pour l’enseignement dans ce nouveau contexte que nous traversons aujourd’hui sera aussi adapté et proposé aux enseignant·e·s du LANSAD et je vais créer du contenu spécifique à partir de mon expérience en tant qu’enseignante en charge des cours de langues fan du numérique. C’est un long et beau projet que j’ai hâte de mettre en place et de partager avec les étudiant·e·s et les enseignant·e·s de Rennes 2 donc souhaitez-moi bonne chance pour déjouer toutes les contraintes de temps et trouver la clé vers l’apprentissage 4.0 !

*Du corpus linguistique au serious game : convergences méthodologiques et numériques pour la didactique des langues par Dolly Ramella : http://www.theses.fr/s217113

Titre de l'encadré
Informations pratiques : Le féminisme expliqué aux extraterrestres
texte

L’Escape Game est accessible en ligne du 22 au 24 septembre.

Pour y jouer, rendez-vous sur : https://univrennes.wixsite.com/flescapenumerique/seance-1

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