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Tauana Gomes Silva, prix de thèse Ecléa Bosi 2020

Tauana Gomes Silva, docteure diplômée de l’Université Rennes 2 et de l’Universidade Federal de Santa Catarina au Brésil, a reçu en novembre 2020 le prestigieux et très disputé prix de thèse Ecléa Bosi 2020 attribué chaque année par l’Association brésilienne d’histoire orale.
 

Tauana Gomes Silva

Remporter ce prix a été une surprise. Cela a confirmé que ma thèse était vraiment bonne !”, a réagi Tauana Gomes Silva qui a consacré sept ans de recherche à son sujet sur les militantes de gauche afro-brésiliennes de 1930 à l’émergence du féminisme noir dans les années 1980. “Je suis contente que l’histoire des femmes noires brésiliennes soit mise en avant, alors qu’elles sont invisibilisées dans l’historiographie du Brésil. J’ai rédigé ma thèse en portugais pour elles. Pour qu’elles puissent la lire.”

Tauana Gomes Silva inscrit son travail d’historienne dans les études décoloniales et les études sur le genre. Arrivée en France il y a quatorze ans comme jeune fille au pair, elle rejoint les bancs de l’Université Rennes 2 en 2007, en troisième année de licence d’histoire. Pendant son master, elle s’intéresse au parcours d’un militaire communiste, Apolônio de Carvalho (1912-2005), qui s’est illustré dans sa lutte sans relâche contre l’impérialisme : d’abord engagé contre Franco dans les Brigades Internationales en Espagne, il rejoint la Résistance française pendant la Seconde guerre mondiale, puis combat aux côtés du FLN en Algérie et retourne au Brésil pour se dresser contre la dictature. 

Son mémoire de master conduit Tauana Gomes Silva à mûrir un sujet de thèse, qu’elle souhaite encore plus proche de ses préoccupations actuelles. “En écrivant sur Apolônio de Carvalho, j’ai commencé à réfléchir aux histoires de vie, aux biographies, à l’histoire orale, explique Tauana Gomes Silva. Mais Apolônio de Carvalho est un homme et c’est un blanc. Je voulais écrire sur la lutte des gauches pour la démocratie au Brésil, en étudiant spécifiquement le rôle joué dans ce mouvement par les femmes et la population noire. Peut-être aussi voulais-je tirer quelque chose du racisme qui a marqué ma trajectoire en France.”

Au commencement de sa thèse, entreprise dans des conditions difficiles, elle découvre avec stupeur qu’il n’existe aucune référence bibliographique, aucune source écrite sur la contribution politique des femmes noires dans les organisations de gauche. “Je me suis demandée si mon objet d’études ne sortait pas de mon imagination. Heureusement, mes deux directeurs de thèse, Luc Capdevila et Cristina Scheibe Wolff, m’ont soutenue et défendue. L’absence de source, le silence, c’est déjà révélateur de quelque chose. Comment a-t-on pu parler des mouvements des travailleurs sans jamais mentionner leur couleur de peau ?

Aujourd’hui professeure de portugais au centre de langue Lingueo et chercheuse associée à déCONSTRUIRE, une association antiraciste rennaise, Tauana Gomes Silva travaille sur l’histoire des femmes noires à Rennes et sur l’exil dans les années 1960 et 1970 des femmes noires latino-américaines en Europe et en Afrique.
 

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